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vendredi 15 mai 2009

Aux racines de l’écologie, la science

Le mot écologie n’apparaît qu’à la fin du XIX° siècle. L’ambition d’expliquer l’organisation générale du vivant sur Terre par le milieu et l’interdépendance des êtres, remonte elle, au siècle des lumières et des encyclopédistes…

Entre Science et religion

Aux origines de la discipline, tout n’est pas clair entre science, philosophie et religion. En cette fin du XVIII° siècle, « l’objectivité » scientifique se marie souvent avec des influences antiques et chrétiennes.

Le grand naturaliste de l’époque, le suédois Carl von Linné (1707-1778) est un fils de pasteur anobli. Le « prince des naturalistes » propose la première classification des plantes en genres et espèces. Il a aussi son idée concernant les liens qui lient les unes aux autres. Pour lui, la nature est une chaîne. Du ver de terre qui aère le sol à l’homme qui cultive, chacun tient une place nécessaire à l’harmonie de l’ensemble.
Cette vision qui peut sembler par certains égards moderne, n’est cependant pas dépourvue d’un arrière-plan religieux. Dans cette mécanique divine parfaite, aucune espèce ne disparaît, ni ne se transforme. Cette « économie de la nature » (titre de l’œuvre de Linné) a le mérite d’avancer une hypothèse générale mêlant le végétal et l’animal pour expliquer le fonctionnement de la vie. Cette conception de la Nature comme une « machine bien huilée » mêle justification de la domination humaine sur l’environnement et respect pour l’œuvre divine. Elle est l’exemple vivant d’une « Théologie naturelle » qui mixe observations de terrain et louanges divines.

Depuis le début du siècle, plusieurs religieux ont suivi ce chemin. Parmi eux, l’anglais Gilbert White, prêtre anglican panthéiste et l’abbé français Pluche, partisan d’un « christianisme scientifique ». En fait, il s’agit de montrer le génie du Tout-puissant qui désigne l’homme comme « gestionnaire » de sa création. D’aucuns prétendent même que les traits du melon sont destinés à faciliter le partage !

Réconcilier milieux et êtres vivants

Nous voici quelques décennies plus tard entre l’Allemagne et l’Amérique du sud avec le prussien Alexander von Humbolt (1769-1859). De ses expéditions dans les Andes, il ramène une théorie de la répartition des espèces selon l’altitude et la latitude. Son ambition n’est rien moins qu’établir une carte du vivant sur Terre grâce aux conditions climatiques. On dit de lui qu’il est l’un des derniers « hommes universels ». Un touche-à-tout se piquant tout autant de physique, de chimie que de botanique ou de peinture. Son frère, linguiste et politique libéral lui a ouvert les portes d’une certaine élite intellectuelle.

Non content d’élaborer une nouvelle théorie scientifique, le voici qui vante l’harmonie des massifs végétaux tel un peintre. A l’image de Goethe, un de ses amis, il regarde la nature avec des yeux à la fois objectifs et admiratifs. Mais nous ne nous y trompons pas, Von Humbolt établit de manière systématique le lien entre flore et situation géographique, il fait de l’écologie.
Oui mais voilà, l’altitude et la latitude n’expliquent pas tout. C’est à l’aide de l’histoire de la Terre et des espèces que d’autres se chargeront d’expliquer la variété des formes de vie sous les mêmes climats. Une nouvelle discipline est née, la biogéographie, qui lie localisation et êtres vivants.

A la recherche de l'équilibre des écosystèmes

Autre révolution, autre continent, avec Frederic Clements (1874-1945), le natif des grandes plaines américaines devenu universitaire. A la manière de Darwin, le professeur de l’Arkansas voit la nature de manière dynamique. Il est l’historien de la « conquête » de nouveaux territoires par les espèces végétales et animales.

Pour lui, bêtes et plantes sont liées entre elles comme les organes d’un corps. Comme tout organisme, celui-ci tend à s’accroître, à occuper une surface de plus en plus importante. Cette colonisation n’est pas chaotique. Elle se fait par étapes pour finir sur un état d’équilibre, le climax.
Cet aboutissement est déterminé par le climat et le vent. N’oubliant pas ses racines, Clements prend pour exemple sa grande prairie natale. Dans ces hautes herbes, cohabitent des espèces depuis des millénaires. Il pense avoir sous ses yeux, une illustration d’un état d’équilibre de la nature après une longue histoire d’essais infructueux et de succès.

Ebahi par cette longévité, Clements est témoin de sa destruction par l’homme blanc. Ironie historique, c’est justement de l'image de ces pionniers que s'inspire sa théorie. La conquête de l’ouest, telle les vagues successives de végétaux et d’animaux, tend à s’étendre et à s’intensifier. Les résultats s'en ressentiront quelques décennies plus tard. Dans les années trente, une tempête de poussière ravage les grandes plaines. A partir de ce moment, l’homme est une force « naturelle » avec laquelle les climax doivent compter…

Olivier Moulergues

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