Le Grenelle de l'environnement a été l'occasion de réunir autour de la table des acteurs méconnus du développement durable : les syndicats. Rencontre avec J.P Bompard, délégué CFDT à l'énergie, à l'environnement et au développement durable.
De quand date l’intérêt de la CFDT pour le développement durable ?
" La CFDT a fait du développement durable bien avant de lui donner ce nom. Elle s’est depuis longtemps préoccupée des conséquences du progrès technique, de son impact globale sur la société : déchets et risques industriels… Si l’on prend l’exemple de l’énergie nucléaire, qui est un terrain sensible, dés 1974 et le plan Mesmer, nous avons posé le problème de la sécurité des centrales, celle des employés mais aussi celle de toute la population. "
Etes-vous le seul syndicat à vous mobiliser sur ces questions ?
" La CGT est elle aussi mobilisée sur ce thème. Contrairement à elle, nous n’avons jamais eu une croyance absolue dans le progrès technique. D’autres syndicats comme la CGC, la CGE ou FO sont partie prenante mais sont un peu plus en retrait, car ils considèrent cela comme de la gestion… Le plus dur reste de faire appliquer cela au niveau des équipes locales.
Au niveau de la Confédération européenne des syndicats, on retrouve cette préoccupation même si les intérêts divergent, comme par exemple entre syndicat de l’automobile allemand et français. "
Le réchauffement climatique pose le problème de manière encore plus globale et sur le long terme…
" La question du réchauffement climatique est pour nous considérable. Cela n’est plus une hypothèse, c’est une donnée dans laquelle, action économique, sociale et environnementale doivent se situer. Cela veut dire que l’on doit revisiter nos convictions et nos pratiques syndicales à la lumière de cette question. On s’efforce de l’aborder directement au niveau européen par l’intermédiaire de notre travail au sein de la Confédération européenne des syndicats. Dans ce domaine, le bon espace d’intervention est l’espace européen. C’est l’Europe qui a ratifié Kyoto, c’est elle qui prépare l’après Kyoto. La France doit avoir une politique propre mais intégrée à l’échelle européenne. "
Un Grenelle de l’environnement européen serait-il envisageable ?
" L’appellation Grenelle renvoie à un évènement bien français ! Fonctionner de manière globale, comme on a pu le faire au moment du Grenelle de l’environnement est très lourd... Faut-il embrasser tous les thèmes ou avoir un débat à 27 sur quels doivent être les transports de demain pour respecter les engagements de la commission européenne concernant la réduction des émissions des gaz à effet de serre ? L’Europe doit être le moteur des négociations post-Kyoto en 2012, car un accord mondial est nécessaire. Les Etats-Unis, la Chine et l’Inde doivent intégrer ce processus. Il faut arriver à un marché mondial du carbone. "
Peut-on allier compétitivité économique et développement durable ou bien faudrait-il faire appel à une décroissance ?
" Je crois que la thèse de la décroissance n’est pas une bonne manière d’aborder les choses. Le mot décroissance est un mot qui dans les syndicats fait peur car il fait référence à des périodes de récession économique donc de chômage. Les indicateurs de croissance économique habituels ne sont plus valables. Le PIB n’est pas le bon reflet de ce qu’est un développement économique. Construisons d’autres indicateurs. C’est d’ailleurs une bonne initiative du président de la république d’avoir nommé une commission pour réévaluer la notion d’approche de la richesse. Actuellement tout repose sur la richesse marchande. Il faut un nouveau contenu à la croissance."
Une économie décarbonnée est-elle synonyme de chômage ?
" Lorsque l’on dit développement durable, l’on sait que cela va modifier le tissu économique et donc avoir des conséquences sociales. Nous n’avons pas une conception du développement durable « naïve » mais plutôt de « tensions » entre les trois piliers que sont l’économique, le social et l’environnemental. On ne peut pas rendre crédible les objectifs environnementaux si l’on a pas de bons outils sociaux ! Il faut intégrer les questions environnementales dans le dialogue social. On ne peut pas imaginer que les choses vont se passer de manière simple. Le transport est l’un des secteurs clé. Quand on dit qu’il faut réduire de manière significative les gaz à effet de serre, cela veut dire que tout ce secteur économique va être bouleversé. Dans le bâtiment, la question qui se pose est celle de la qualification de la main d’œuvre, du recrutement. Cette rupture va être créatrice d’emploi. "
Propos recueillis par Olivier Moulergues
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