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vendredi 15 mai 2009

L’écologie sauce U.S

Objet de toutes les opprobres écologiques, les USA n’en sont pas moins l’un des pères fondateurs de l’écologie. Petit passage en revue de ces pionniers venus d’Outre-Atlantique, sans qui le vert ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui.

Henry Thoreau, l'homme des bois

Commençons par le « Rousseau yankee », Henry Thoreau (1817-1862). Pétri de romantisme envers l’état de nature, il conserve cependant le pragmatisme propre aux colons. Enfant d’un industriel de la Nouvelle-Angleterre, il découvre rapidement que l’éthique protestante du travail l’ennuie. Après deux ans à Harvard, au cours desquels il s’initie à la spiritualité orientale, le voici qui se retire dans les bois pour communier avec la nature. De cette expérience sortira son œuvre majeure « Walden ou la vie dans les bois », hymne à la compréhension entre tous les êtres et manuel pratique de vie au grand air.

Cet ouvrage développe une conception quasi religieuse de la nature, qui rappelle un autre grand penseur de l’époque, Ralph Waldo Emerson. Emerson est le pape du Transcendantalisme, pour qui la nature est un moyen d’union avec Dieu. Thoreau n’en reste pas moins les pieds sur Terre et propose une réflexion économique proche des théoriciens actuels de la décroissance. Il oppose la préoccupation unique pour le confort matériel à une simplicité volontaire qui permet de prendre conscience de son appartenance à la communauté des êtres vivants.

Engagé par ailleurs dans un combat politique contre l’esclavage, il développe l’idée de « résistance civile » qui sera reprise ultérieurement par Ghandi. Méconnu de la plupart, Thoreau reste surtout célèbre pour cet acte fondateur des mouvements contestataires contemporains.

John Muir, ermite politique


Au-delà de la vieille Amérique des Pères fondateurs sur la côte est, il y a l’Amérique des pionniers, celle qui repousse toujours plus loin les frontières de l’ouest. Ce parcours, c’est celui de John Muir, un écossais venu s’installer avec sa famille par delà l’océan. D’abord ingénieur autodidacte, il se transforme en naturaliste itinérant parcourant les Etats-Unis à la recherche de ses plus beaux sites. Finissant par se fixer à l’ouest dans les terres alors vierges de la Californie, il se prend de passion pour la Yosemite valley. A la fois penseur et scientifique, John Muir possède un sens aigu de l’observation. Faisant oeuvre de géologue, il élabore une théorie sur le rôle des glaciers dans la formation de sa vallée chérie.

L’homme ne se contente pas d’être passionné, il sait convaincre. Il orchestre de véritables campagnes de presse pour lutter contre le pâturage des troupeaux dans ce qu’il estime être le temple de la nature. Dans le feu de l’action, il se fâche avec un ancien ami, Gifford Pinchot. Cet ingénieur forestier est partisan d’une utilisation rationnelle de l’environnement. Pour Muir, la nature a une valeur esthétique et morale intrinsèque. Elle ne doit pas être totalement domestiquée. Cette conviction, il l’impose au président Théodore Roosevelt, qu’il invite à une partie de camping dans la Yosemite valley. L'endroit sera désormais parc national. Il laisse à la postérité la première ONG environnementaliste de l’histoire : le Sierra club fondé en 1892.

Aldo Leopold, le repenti de l'utilitarisme

Aldo Leopold est un repenti de l’utilitarisme, un ancien élève de Pinchot, qui critique radicalement sa vision uniquement gestionnaire de l’environnement.
Il passe des années aux Eaux et Forêts américaines où il est un grand spécialiste de la préservation des « ressources » en gibier. Puis intervient une sorte de « révélation » progressive sur les liens entre civilisation industrielle et environnement. D’exterminateur systématique des prédateurs « nuisibles », il devient leur protecteur. Le bureaucrate désabusé se transforme en prophète de la préservation de la nature inviolée. Il ne peut plus supporter la course au productivisme qui sous-tend la politique environnementale de l’époque.

Son livre le plus réputé, « Almanach d’un comté des sables » reprend la veine du naturaliste poète. Il y décrit minutieusement l’environnement naturel d’une vie champêtre. D’une vision de technocrate spécialisé et obsédé par le rendement, l’individu retrouve un lien intime avec la terre. D’un point de vue centré uniquement sur les intérêts humains, la culture humaine englobe l’ensemble de la vie.

Sa pensée est considérée comme fondatrice de l’écologie profonde, qui reconnaît à chaque être vivant les mêmes droits. La difficulté de ce droit naturel reste que ses principaux protagonistes, animaux et plantes, ne peuvent guère intenter de procès à l’humanité !


Anne Villet

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