En France, pas de grands espaces à conquérir, ni de nature vierge à protéger mais une obsession : l’aménagement du territoire. Après guerre, on reconstruit et industrialise. Certains commencent aussi à remettre sérieusement en doute la croyance invétérée au progrès.
Jacques Ellul et la "Civilisation de puissance"
En 1954, Jacques Ellul, grand pourfendeur de la « civilisation de puissance », réussit à publier son livre « La technique ou l’enjeu du siècle » après quatre ans d’échec. Au moment même où la France rentre dans l’ère atomique, un individu se dresse contre la société technicienne. Il s'oppose à une conquête de la puissance pour la puissance qui aliène l'homme. Comme l’avait fait dans les années trente Georges Duhamel, il dénonce les mirages d’un mode de vie basé uniquement sur la satisfaction matérielle.
L’homme a un parcours atypique. Initialement protestant, il devient communiste et aide les républicains espagnols. Après guerre, il est professeur d’histoire des institutions politiques à Bordeaux et envisage avec son vieil ami Bernard Charbonneau, de fonder une école qui réunirait les opposants au « totalitarisme technologique ». Le projet capote mais sa marque de fabrique anti-technocratique demeurera. Ironiquement, il sera plus connu aux Etats-Unis, pays au modèle qu’il réprouve, qu’en France.
Bertrand de Jouvenel et la contestation du tout-économique
Bertrand de Jouvenel fait partie des résistants à la béatitude industrielle. Après des heures troubles sous l’occupation, il publie en 1957 « Arcadie, essais sur le mieux-vivre ». Sa grande idée est de remettre en cause l’indépendance de l’économie par rapport au monde. Il s’oppose ainsi aux deux grandes idéologies du moment : le marxisme et le libéralisme. Pour chaque richesse produite, il remarque des richesses détruites non prises en compte car gratuites. Ainsi en est t-il des différentes pollutions de l’air, de l’eau et du sol.
Son attirance pour les statistiques et les chiffres le conduit aussi à fonder le cercle de réflexion « Futuribles », qui publie des analyses sur les futurs possibles. Il est membre fondateur du fameux « Club de Rome » fondé en 1970 dont la devise est « Pas d’opposition aveugle au progrès mais une opposition au progrès aveugle ». Déçu du rapport de 72, il préfère la notion de bien-être à celle de développement économique.
L'environnement, affaire d'Etat
De l’apanage de quelques « illuminés » sympathiques mais marginaux, la protection de l’environnement devient affaire d’Etat dans les 60's. Quelques hauts fonctionnaires, plus conscients que les autres, évitent un bétonnage intégral. Philippe Saint-Marc fait partie de ces énarques "mordus" d’environnement.
C’est à lui que l’on doit la préservation des Landes et de la vallée de Chevreuse. Le gouvernement le charge de faire un nouveau « Sarcelles sur mer », comme pour la Côte d’Azur. Contre toute attente, il opte pour une répartition harmonieuse de la population et des touristes. Le recul de la marée grise est en marche, le Conservatoire du littoral viendra plus tard en… 75.
Trois ans après les parcs naturels, en 1963, on crée la DATAR. Elle a, entre autres, la fonction d’intégrer la préservation de la nature à l’aménagement du territoire. Les espaces naturels font désormais partie des équipements collectifs auxquels chaque français a droit. Face à des associations « naturalistes » spécialisées, les institutions se montrent capables d’inventer une approche pluridisciplinaire et surtout pratique.
Sous les pavés, l'écologie ?
Les lanceurs de pavés de 68 donnent le la d’un écologisme revendicatif. Audace suprême, scientifiques et universitaires se joignent à la fronde tandis que l’écologie devient une discipline « académique » enseignée à la faculté. Les écologistes universitaires ou non et leurs associations n’ont plus peur de défiler pour défendre leurs opinions. On défile à vélo pour dénoncer la construction des voies sur berges à Paris.
Les associations de clocher se fédèrent nationalement. Deux grandes ONG américaines, le WWF et Les Amis de la Terre arrivent sur la scène nationale. Elles apportent dans leurs bagages, une nouvelle forme d’action médiatique fondée sur le lobbying. Cet « atlantisme environnemental » contrarie de Gaulle qui veut placer un ancien gouverneur de l’Indochine à la tête du WWF France !
Les manifestations anti-nucléaires se multiplient à partir de la construction de la centrale de Fessenheim en 70. Pendant quelques années, l’opposition à l’atome permet une union sacrée des forces écologistes et pacifistes. Ce front commun ne résiste pas à la première candidature écolo à la présidentielle de 74. Le scrutin scinde les écolos en de multiples tendances que nous leur connaissons. Certains doutent du bien-fondé de l’écologie politique.
N’aurait-il pas mieux fallu écologiser la politique plutôt que de politiser l’écologie ? D’autres rêvent de parti écologiste ou d’autogestion.
Jacques Ellul et la "Civilisation de puissance"
En 1954, Jacques Ellul, grand pourfendeur de la « civilisation de puissance », réussit à publier son livre « La technique ou l’enjeu du siècle » après quatre ans d’échec. Au moment même où la France rentre dans l’ère atomique, un individu se dresse contre la société technicienne. Il s'oppose à une conquête de la puissance pour la puissance qui aliène l'homme. Comme l’avait fait dans les années trente Georges Duhamel, il dénonce les mirages d’un mode de vie basé uniquement sur la satisfaction matérielle.
L’homme a un parcours atypique. Initialement protestant, il devient communiste et aide les républicains espagnols. Après guerre, il est professeur d’histoire des institutions politiques à Bordeaux et envisage avec son vieil ami Bernard Charbonneau, de fonder une école qui réunirait les opposants au « totalitarisme technologique ». Le projet capote mais sa marque de fabrique anti-technocratique demeurera. Ironiquement, il sera plus connu aux Etats-Unis, pays au modèle qu’il réprouve, qu’en France.
Bertrand de Jouvenel et la contestation du tout-économique
Bertrand de Jouvenel fait partie des résistants à la béatitude industrielle. Après des heures troubles sous l’occupation, il publie en 1957 « Arcadie, essais sur le mieux-vivre ». Sa grande idée est de remettre en cause l’indépendance de l’économie par rapport au monde. Il s’oppose ainsi aux deux grandes idéologies du moment : le marxisme et le libéralisme. Pour chaque richesse produite, il remarque des richesses détruites non prises en compte car gratuites. Ainsi en est t-il des différentes pollutions de l’air, de l’eau et du sol.
Son attirance pour les statistiques et les chiffres le conduit aussi à fonder le cercle de réflexion « Futuribles », qui publie des analyses sur les futurs possibles. Il est membre fondateur du fameux « Club de Rome » fondé en 1970 dont la devise est « Pas d’opposition aveugle au progrès mais une opposition au progrès aveugle ». Déçu du rapport de 72, il préfère la notion de bien-être à celle de développement économique.
L'environnement, affaire d'Etat
De l’apanage de quelques « illuminés » sympathiques mais marginaux, la protection de l’environnement devient affaire d’Etat dans les 60's. Quelques hauts fonctionnaires, plus conscients que les autres, évitent un bétonnage intégral. Philippe Saint-Marc fait partie de ces énarques "mordus" d’environnement.
C’est à lui que l’on doit la préservation des Landes et de la vallée de Chevreuse. Le gouvernement le charge de faire un nouveau « Sarcelles sur mer », comme pour la Côte d’Azur. Contre toute attente, il opte pour une répartition harmonieuse de la population et des touristes. Le recul de la marée grise est en marche, le Conservatoire du littoral viendra plus tard en… 75.
Trois ans après les parcs naturels, en 1963, on crée la DATAR. Elle a, entre autres, la fonction d’intégrer la préservation de la nature à l’aménagement du territoire. Les espaces naturels font désormais partie des équipements collectifs auxquels chaque français a droit. Face à des associations « naturalistes » spécialisées, les institutions se montrent capables d’inventer une approche pluridisciplinaire et surtout pratique.
Sous les pavés, l'écologie ?
Les lanceurs de pavés de 68 donnent le la d’un écologisme revendicatif. Audace suprême, scientifiques et universitaires se joignent à la fronde tandis que l’écologie devient une discipline « académique » enseignée à la faculté. Les écologistes universitaires ou non et leurs associations n’ont plus peur de défiler pour défendre leurs opinions. On défile à vélo pour dénoncer la construction des voies sur berges à Paris.
Les associations de clocher se fédèrent nationalement. Deux grandes ONG américaines, le WWF et Les Amis de la Terre arrivent sur la scène nationale. Elles apportent dans leurs bagages, une nouvelle forme d’action médiatique fondée sur le lobbying. Cet « atlantisme environnemental » contrarie de Gaulle qui veut placer un ancien gouverneur de l’Indochine à la tête du WWF France !
Les manifestations anti-nucléaires se multiplient à partir de la construction de la centrale de Fessenheim en 70. Pendant quelques années, l’opposition à l’atome permet une union sacrée des forces écologistes et pacifistes. Ce front commun ne résiste pas à la première candidature écolo à la présidentielle de 74. Le scrutin scinde les écolos en de multiples tendances que nous leur connaissons. Certains doutent du bien-fondé de l’écologie politique.
N’aurait-il pas mieux fallu écologiser la politique plutôt que de politiser l’écologie ? D’autres rêvent de parti écologiste ou d’autogestion.
Antoine Livoure
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire