(Article paru dans Le Monde du 14.05.09)
Il en est de l'Europe comme de la politique : si on ne s'occupe pas d'elle,
elle s'occupe de vous. Un seul exemple, en France, 80 % de la législation
environnementale provient du droit communautaire. A l'approche des élections
européennes, l'intérêt pour cette échéance me semble inversement
proportionnel à l'importance du rôle crucial que cet espace politique et
géographique peut et doit jouer, pour sortir le moins mal possible de ce
carrefour de crises où nous sommes englués. Que l'on soit peu, pro ou
anti-européen, l'Europe est une réalité en marche qui détermine et
conditionne notre avenir, et l'ignorer, c'est se livrer sans contrôle à son
pouvoir et à sa puissance.
Il en est de l'Europe comme de la politique : si on ne s'occupe pas d'elle,
elle s'occupe de vous. Un seul exemple, en France, 80 % de la législation
environnementale provient du droit communautaire. A l'approche des élections
européennes, l'intérêt pour cette échéance me semble inversement
proportionnel à l'importance du rôle crucial que cet espace politique et
géographique peut et doit jouer, pour sortir le moins mal possible de ce
carrefour de crises où nous sommes englués. Que l'on soit peu, pro ou
anti-européen, l'Europe est une réalité en marche qui détermine et
conditionne notre avenir, et l'ignorer, c'est se livrer sans contrôle à son
pouvoir et à sa puissance.
C'est à Strasbourg et à Bruxelles que se joue une grande partie de notre
avenir. La responsabilité de celles et ceux que nous enverrons nous y
représenter est immense. C'est dans ce périmètre que peuvent émerger les
prémices d'une société réconciliée avec sa planète et donc avec elle-même.
Encore faut-il que ceux que nous aurons élus ne se trompent pas sur
l'origine du mal contre lequel nous luttons.
Chacun doit s'astreindre à un diagnostic rigoureux pour clairement trancher
sur la question de savoir s'il faut changer le système ou de système. Si
dorénavant c'est bien l'épanouissement du genre humain qui doit cristalliser
toutes les décisions politiques et non plus le profit, l'accumulation et le
toujours-plus.
Au moment où l'humanité affronte, notamment avec les changements climatiques
et la perte de son capital naturel qui s'ajoutent et se mêlent aux autres
crises, la situation la plus critique et complexe qu'elle ait jamais connue,
quelles réponses proposent les uns et les autres ? Sommes-nous toujours dans
l'épaisseur du trait ?
Au-delà des dogmes et des filiations idéologiques qu'il me semble presque
indécent d'agiter, tant les contraintes majeures imposent de fait une
certaine radicalité dans les options, nous devons être intransigeants dans
nos questionnements et nos choix à l'approche de ces élections. La pyramide
de complexité et la gravité des menaces nous obligent à ne pas nous
accommoder de recettes éculées, de vulgaires corrections de trajectoire, de
solutions pensées dans des moules périmés. Il nous faut nous déconditionner
et envisager tout de suite qu'un autre modèle est non seulement possible,
mais incontournable.
Une question centrale, la croissance est-elle la solution ou le problème ?
Nous nous heurtons aux limites de la planète. Un élève de CM1 peut
comprendre que, si notre appétit augmente sans cesse alors que notre potager
est à taille fixe, il n'y a pas de dénouement heureux. Posée autrement,
quelle est la contrainte économique qui prime : la taille des chaluts ou le
nombre de poissons restants ?
La croissance verte est-elle le remède miracle que certains vantent ? Pour
être franc, en l'état, j'en doute. En ce sens qu'elle donne l'illusion qu'on
pourrait déplacer la croissance sur d'autres registres de production et de
consommation, remplacer une expansion par une autre, sans reproduire les
mêmes effets. Comment prospérer sans croître ? Là est l'équation écologique.
J'envie ceux qui y voient clair dans cette opacité et cette confusion. La
seule certitude, c'est que notre modèle s'est empoisonné avec ses propres
toxines et démontre un peu plus à chaque seconde son obsolescence. Je crois
que nous devons admettre qu'il y a des parcelles de solutions chez les uns
et les autres et que l'assemblage reste à faire. Mais que ces fragments ne
sont pas forcément là où on les attend.
Devant l'inattendu, il faut s'ouvrir à l'inédit et admettre que, en marge de
nos modèles et de nos sphères classiques d'expression et de réflexion, il y
a des esprits créatifs, inventifs auxquels nous devons nous ouvrir. Au
moment où les adeptes de la décroissance voient leur argumentaire conforté
par la réalité, y a-t-il une alternative entre la décroissance subie ou non
dite, comme l'est la récession actuelle, et la décroissance conduite, pour
laquelle j'avoue pour l'heure ne pas voir comment spontanément et
démocratiquement elle pourrait être mise en oeuvre ?
Peut-être la croissance sélective doublée d'une décroissance choisie
est-elle l'ultime voie. Un nouveau chemin où l'on procède individuellement
et collectivement à des renoncements et à des acquiescements. Un tri
rigoureux pour nous mobiliser sur l'essentiel et passer du maximum à
l'optimum.
Une sélection en fonction des critères environnementaux et énergétiques (le
facteur de charge de la planète) croisés avec une vision renouvelée du
progrès qui place le bien-être de tous les hommes comme critère premier. Un
arbitrage humaniste qui peut redonner à la politique sa dimension complète
et qui agrégera les énergies dispersées.
Tout cela pour dire que nous devons distinguer avec exigence, dans les
manifestes et programmes des uns et des autres, ceux qui font de la crise
écologique la contrainte majeure. Ceux qui ont compris que la crise
économique ne doit pas minorer la crise climatique, mais au contraire la
mettre en exergue. Ceux qui pensent que le dénominateur commun à tous nos
maux, c'est notre inaptitude à la limite. Et que c'est à la puissance
publique démocratiquement de fixer et de faire appliquer ces seuils. Ceux
qui sont convaincus de longue date que l'humanité a deux urgences à réaliser
qui se conditionnent l'une l'autre : préserver et partager ; en ce sens, les
enjeux écologiques et de solidarité sont intimement liés. Comment partager
si, demain, la responsabilité des Etats se résume à gérer une addition de
pénuries ?
Au passage, cela compromettrait la vertu première de l'Europe,
l'enracinement de la paix. La sobriété et la régulation, qui vont de pair,
sont une exigence des stratèges de la paix. Raison de plus pour revenir à la
noblesse de l'économie. Une économie qui change de boussole et qui
n'attribue plus de la valeur qu'aux seul argent ou biens produits, mais
aussi et surtout à l'Homme et à la Nature.
Et dans cet impératif, le poids de l'Europe est essentiel et, dans l'Europe,
aux fondements désespérément ultralibéraux, les ambassadeurs d'une économie
qui protège sans concession et qui distribue équitablement sont
indispensables. Cherchez-les, ils existent !
Nicolas Hulot
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire